L’endettement au Sénégal est une préoccupation de tous les instants pour les pouvoirs publics. Le pays se souvient encore du rappel à l’ordre du FMI qui, au début de l’année 2020, avait pointé du doigt les marges de manœuvres insuffisantes du pays pour emprunter. Aujourd’hui, à l’approche du 4e trimestre 2021, plusieurs données jugées contradictoires ne permettent pas d’affirmer avec exactitude que le pays dispose d’un endettement équivalent à 62,3% du PIB.

Comment se mesure la dette publique ?

Pour comprendre comment fonctionne l’endettement public d’un pays comme le Sénégal, il convient d’en donner une définition précise. Les spécialistes du monde de la finance s’accordent à dire que la dette publique est constituée par « l’ensemble des engagements financiers pris sous la forme d’emprunts par l’Etat, les collectivités publiques et les organismes qui en dépendent directement ». A ce stade, le calcul de la dette publique ne prend pas en compte la dette des ménages et des entreprises. Aussi, pour mesurer la dette publique d’un pays, on la rapporte tout simplement au produit intérieur brut (PIB). La comparaison entre la dette et le PIB se fait alors en fonction de la taille du PIB du pays.

C’est là que la crédibilité des nations entre en jeu : même si celles-ci ont la possibilité d’emprunter largement pour financer leurs politiques publiques par le jeu des établissements financiers, elles demeurent dans le collimateur des agences de notation financière internationales. Ainsi, lorsque les pays les moins fiables au regard des marchés financiers et des agences de notation sont dans l’incapacité totale d’emprunter, ils peuvent faire appel aux institutions internationales – telles que la banque mondiale, le fonds monétaire international ou encore les Banques régionales de développement. C’est de cette manière que le Sénégal a pu bénéficier d’une aide d’urgence de la part du FMI pour contrer les effets dévastateurs du Covid-19 sur l’économie.

Taux endettement sénégal
crédit image: Seneplus.com

Dette publique au Sénégal : des chiffres différents

Au Sénégal donc, les principaux acteurs de la vie publique et financière ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les chiffres de la dette publique (qui, rappelons-le, est fortement dépendante du PIB). Le directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor, Cheikh Tidiane Diop, avance par exemple que « Le Sénégal demeure dans les normes de l’endettement public aux alentours de 62%, alors que la norme communautaire est de 70% du PIB  ». Une telle situation serait donc à relativiser, « face à des pays comme la France, le Japon ou les USA dont l’endettement public dépasse largement le seuil des 70% ».

Le projet de loi de Finances 2021 semble vouloir contredire le rapport de Monsieur Tidiane Diop. En effet, le document officiel évoque un taux d’endettement pour 2020 projeté bien plus avancé que celui avancé par l’homme d’Etat pour 2021. Le document, consultable sur le site du gouvernement sénégalais, estimé ainsi que « la pandémie due au Covid-19 a fait trébucher l’activité économique du pays, qui s’est retrouvé face à un besoin important en ressources pour atténuer les effets de la crise. Une situation qui vient s’ajouter à un contexte de progression du niveau d’endettement, qui devrait passer de 52,5% en 2019 à 67,4% du PIB en 2020 ».

Annexé à la loi de Finances 2021, le rapport économique et financier daté du mois d’octobre 2020 met en avant un taux différent : « l’encours de la dette publique totale […] devrait représenter 64% du PIB en 2020, en liaison avec les prêts importants accordés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 en 2020 ». Une situation qui devrait toutefois demeurer en dessous de la norme retenue par les huit pays formant l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Quel est l’avis des experts économiques et financiers ?

Malgré les données contradictoires affichées par les différents observateurs et analystes de la vie publique et économique du Sénégal sur le taux d’endettement, une telle situation n’est pas jugée inquiétante. Statisticien économiste, Ismaïla Diallo estime que « des taux d’endettement différents pour un même pays sur la même année n’est pas surprenant, car le calcul du pourcentage dépend davantage des sources utilisées, avec décalage prévisible entre les chiffres ». Et en effet, les données collectées peuvent provenir de divers organismes tels que la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ou encore le FMI (Fonds monétaire international).

D’autres éléments sont à prendre en compte, comme d’éventuelles variations et autres hypothèses qui peuvent conduire à des distinctions dans le calcul du niveau d’endettement en fin d’exercice. Finalement, le niveau de la dette publique serait fortement dépendant des méthodes et des concepts utilisés pour le calculer. C’est du moins la conclusion faite par le site d’informations économiques et financières Business AM.