Le secteur informel compte aujourd’hui près de 5 millions de sénégalais «exclus» de l’économie conventionnelle. A l’écart des statistiques, l’informel est une sphère à part, déconnectée du système bancaire et financier.

L’informel ou la force d’un secteur bien ancré sur le territoire

Le secteur informel sénégalais tient une place prépondérante au sein de l’économie du pays. Ce secteur né au cours des années 70, regroupe l’ensemble des activités économiques opérées en marge de la légalité qui ne sont généralement pas enregistrées par les appareils, les services et les recensements statistiques officiels. Au Sénégal comme partout en Afrique, l’informel joue un rôle majeur dans l’activité des entreprises et s’inscrit à ce titre comme le premier pourvoyeur d’emplois. Ce secteur marginal touche une multitude d’acteurs économiques allant des commerçants aux artisans en passant par tout un panel de métiers manuels, d’activités industrielles, de services …. Même s’il faut reconnaître que le cœur des activités informelles reste lié au commerce. Le gouvernement sénégalais ainsi que l’ensemble des autorités africaines cherchent le moyen de mieux accompagner et d’encadrer ce système officieux afin de faciliter son intégration dans une économie plus licite.

La faible implication des banques développe l’informel

Au Sénégal comme dans la plupart des pays en voie de développement, les banques sont très peu impliquées dans le financement des petites entreprises. Or l’accès au financement conditionne la survie de ces dernières et, s’il est impossible, devient un obstacle à leur développement. Pour pallier ce désengagement manifeste induit par un système financier inadapté, les entreprises n’ont d’autre choix pour obtenir un crédit que se tourner vers un secteur parallèle, celui de l’informel.
Au Sénégal on peut parler de l’existence de deux cultures d’entreprises. Le système financier formel octroie des fonds essentiellement aux entreprises d’une certaine importance alors que le système financier informel finance plutôt les PME et d’une manière générale les entreprises à vocation sociale.

Des efforts timides mais insuffisants

Depuis 1994 et la dévaluation du FCFA, le contexte financier qui entourait les entreprises sénégalaises et notamment les PME a sensiblement évolué avec un paysage bancaire qui comprend aujourd’hui un réseau (encore réduit) d’établissements financiers, de sociétés de capital à risque et de crédit-bail Locafrique, l’une des plus importantes.

Malgré ces efforts, on constate que ces nouvelles sources de financement pour les entreprises sénégalaises sont encore gérées selon des critères spécifiques avec notamment des garanties exorbitantes et des taux d’intérêts abusifs. La lenteur avec laquelle les banques répondent aux sollicitations des PME leur fait souvent manquer des opportunités commerciales. A cela s’ajoute le manque de considération et de dialogue entre les banques et les dirigeants de PME. Cette méconnaissance des clients rend les banques frileuses pour financer l’expansion des PME en leur proposant des crédits appropriés tels que des obligations cautionnées, lettres de crédit, escomptes…).

Les sources de financement accordées sur le marché parallèle

Le financement des activités informelles est assuré par diverses sources de financement dont les plus importantes sont les tontines, le micro-financement et les programmes d’aides. On distingue également plusieurs autres formes de financements sur le secteur informel. Il s’agit principalement d’héritages, de dons et de prêts d’amis. A noter également que la plupart des entrepreneurs utilisent leur épargne personnelle comme capital de départ. Aucun n’a souscrit à un crédit bancaire du fait de l’impossibilité récurrente pour le secteur informel d’accéder aux financements institutionnels.

La tontine

La tontine (dont le nom provient de « Tonti », un banquier italien du XVIIe siècle) est un système d’épargne typiquement africain. Il s’agit d’un système de répartition des ressources à l’échelon local souvent rural. C’est une opération chaperonnée par un responsable digne de confiance et par laquelle plusieurs personnes soigneusement choisies (généralement amis, parents ou collègues sérieux) constituent un fonds commun pour pouvoir profiter à court terme d’un revenu. Les cotisations peuvent être journalières, hebdomadaires ou mensuelles. Le capital est ensuite versé à chaque participant à tour de rôle.
L’essor de nouvelles plateformes digitales comme « E-Tontine » ou bien « Matontine », toutes deux créées en 2015, ont permis d’apporter une solution alternative au crédit bancaire en utilisant exclusivement le portable. Désormais, les versements se font uniquement à travers le Mobile Money, un service de transfert d’argent totalement digital.
Il faut noter que les tontines étant de l’épargne individuelle, leur mobilisation est rendue beaucoup plus facile à l’inverse des crédits bancaires aux procédures complexifiées, des systèmes de micro finances et de programmes d’aides qui requièrent des garanties ou des avaliseurs. Les tontines constituent une entraide sociale. Le seul esprit de solidarité permet à un demandeur de mobiliser d’importantes ressources au démarrage ou pour le développement d’une activité économique.

Le micro-financement et le rôle des IMF (Institutions de microfinance)

Alors que le microcrédit est perçu d’abord comme un moyen d’octroyer le crédit aux populations les plus démunies, la microfinance est utilisée principalement comme un outil de développement économique. Les IMF également appelées Systèmes financiers décentralisés (SFD) sont des organisations qui proposent des services financiers aux populations exclues du système financier classique. Parmi les clients des IMF on trouve un grand nombre de micro-entrepreneurs évoluant dans le secteur informel. L’offre de la microfinance passe par différents mécanismes allant des services financiers souples à un accompagnement pertinent et au renforcement du capital social.

Les programmes d’aide

Les PME sénégalaises qu’elles fassent parties du secteur formel ou informel peuvent prétendre à des aides pouvant les aider à bâtir des entreprises durables et compétitives. A titre d’exemple, l’Agence française de Développement (AFD) a accordé à la BICIS (Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal) une garantie de portefeuille d’un montant de 3,5 millions d’euros (2 300 000 000 FCfa) pour l’accompagnement des TPE et des PME sénégalaises. La BICIS a déjà soutenu ainsi près de 400 TPE/PME à travers ce dispositif. Les chefs d’entreprises peuvent retrouver toute le panel d’aides et d’accompagnement offerts par l’Etat et les partenaires publics et privés sur des portails comme «Réseau Sénégal Emergent» qui a vocation à soutenir les PME et entrepreneurs même s’ils appartiennent au secteur informel.

Dans le cas du Sénégal, des efforts sont faits pour trouver un dénominateur entre deux cultures d’entreprises encore très différentes. Toute la difficulté consiste pour le système bancaire d’évaluer le facteur risque et d’arriver à le compenser par des éléments suffisamment sécuritaires.