La question de l’inclusion financière en Afrique est une urgence à traiter. En effet, alors qu’on estime à près de 100% le taux de bancarisation dans les pays de l’OCDE, en Afrique, la BCEAO affirme que près de 57,6 % de la population n’est toujours pas bancarisée, alors qu’elle augmentera de près d’un 1 milliard d’ici 30 ans. À quelle étape en sommes-nous en Afrique sur la question de l’inclusion financière ? Quelles sont les approches de solutions susceptibles de booster l’accès de la population aux services financiers ? Réponses.

L’inclusion financière, kesako ?

Pour l’impact des systèmes financiers sur la disponibilité de liquidités pour les particuliers, les entreprises et les investisseurs, l’inclusion financière occupe une place vitale dans le mécanisme d’amélioration de la croissance économique des pays en développement.

Le principe de l’inclusion financière veut que tous les particuliers adultes et les entreprises bénéficient d’un accès durable et sécurisé à des produits et services financiers (crédit, épargne, paiements, assurance, etc.) utiles et abordables.

L’inclusion financière en Afrique : comment avancer ?

S’il est vrai que la dernière décennie a été marquée par une croissance notable de l’inclusion financière en Afrique à travers la montée en puissance de la finance numérique renforcée par l’épisode coronavirus, le chemin à parcourir est encore long.

La concurrence bancaire et l’optimisation du coût net des services financiers

En Afrique, l’inclusion financière est ralentie par une certaine préférence des populations pour la monnaie fiduciaire dans les transactions économiques. Cet état de choses n’est pas uniquement dû à un manque d’éducation financière, même si cette barrière doit être levée.

En effet, la faible concentration d’institutions financières, la faible densité des agences bancaires et la répartition géographique inégale des distributeurs automatiques de billets obligent parfois les populations à parcourir de longues distances afin d’effectuer des opérations bancaires.

Inutile de préciser que, pour les habitants des zones rurales, la mauvaise qualité des voies affecte souvent l’accès aux succursales physiques qui ne sont d’ailleurs pas légion. À cela viennent s’ajouter les frais et commissions perçus sur les transactions ainsi que le coût net de détention d’un compte bancaire qui contribuent à la faible bancarisation dans ces pays où la pauvreté continue de sévir.

Par ailleurs, dans les pays africains, plusieurs sont parfois obligés de se replier sur la famille et les proches pour avoir des crédits à court terme en raison de la discrimination qu’ils subissent de la part du système financier traditionnel. Il s’agit surtout des premiers emprunteurs sans historique de crédit et des particuliers devant faire face à des dépenses d’urgence, des problèmes de santé, l’achat de biens immobiliers, les évènements familiaux (mariage et enterrements, etc.).

Il devient donc urgent donc de trouver des solutions pour provoquer la concurrence bancaire en termes de frais et commissions bancaires et de qualité de services. Les institutions de crédit devront aussi trouver des solutions alternatives et innovantes pour prédire la solvabilité des emprunteurs (particuliers comme PME) n’ayant pas d’historique de crédit.

Par exemple, des acteurs comme NCBA Group, Equity Bank et Orange Bank ont développé des systèmes d’analyse de risques liés aux prêts basés sur les données SMS. De telles solutions peuvent être généralisées pour réduire l’exclusion des premiers emprunteurs.

La résolution des problèmes d’interopérabilité et d’infrastructure

L’infrastructure de paiement numérique en Afrique souffre d’un manque sérieux d’interopérabilité. Dans la plupart des pays du continent, il est soit impossible, soit très coûteux et chronophage de faire des transactions avec des personnes appartenant à d’autres réseaux.

La lenteur occasionnelle des transactions en raison de la faible qualité de la connexion internet et autres problèmes techniques dans certaines régions donnent aux populations le sentiment qu’elles pourraient parfois ne pas avoir accès à leur argent si elles entrent dans le système financier. Ceci pousse beaucoup à s’auto-exclure des systèmes financiers.

Il faut aussi noter que dans plusieurs pays africains, les services bancaires numériques ne sont accessibles que sur des smartphones, dont le coût n’est pas toujours forcément à la portée de tous. Il est donc nécessaire de régler ces problèmes techniques et d’innover en proposant des services financiers spécifiquement adaptés aux populations n’ayant pas les moyens de s’offrir un smartphone.

La question des comptes sous-utilisés ou dormants

Les opérations d’ouverture de comptes bancaires gratuits et la promotion de l’ouverture des comptes Mobile Money ont offert à plusieurs couches exclues la possibilité d’utiliser des services financiers sans compte bancaire. Ailleurs, la généralisation de ces solutions a permis de supprimer le retard lié aux moyens de paiement traditionnel tels que les chèques.

Cependant, beaucoup de comptes bancaires et de comptes Mobile Money sont dormants ou sous-utilisés en Afrique. Cette utilisation peu fréquente peut être justifiée par le fait que les titulaires de ces comptes ne s’en servent que pour recevoir des transferts de fonds, notamment les salaires et les paiements, et ne profitent pas ou ne comprennent pas tous les autres avantages dont ils peuvent bénéficier en détenant un compte.

L’une des solutions pour résoudre ce problème est d’éduquer les détenteurs de compte bancaire ou de compte Mobile Money à des moments clé en fonction de leurs besoins. Ainsi, les institutions financières devraient régulièrement identifier les comptes dormants et sous-utilisés et organiser des campagnes de communication par SMS pour les informer des autres possibilités et fonctionnalités auxquelles leurs comptes leur donnent accès

L’amélioration de l’environnement réglementaire et les politiques gouvernementales

Il ne faut pas occulter la contribution de l’environnement réglementaire à l’inclusion financière sur le continent. En effet, la confiance des populations au système financier est un facteur capital de l’adoption généralisée des services financiers. Cette confiance ne peut évidemment être obtenue que par la mise en place effective de systèmes performants de supervision micro-prudentielle, de garantie des dépôts, de protection des données de consommateurs, etc.

En clair, il s’agit de créer un contexte institutionnel adéquat ou d’améliorer l’existant pour promouvoir la finance numérique tout en garantissant aux clients la protection de ses droits lors de la réalisation des contrats avec les institutions financières.

Les gouvernements devront aussi s’assurer que les politiques et réglementations soient en phase avec le rythme d’innovation technologique afin de protéger les consommateurs de la fraude électronique, du risque de surendettement et de favoriser les initiatives et partenariats dans le secteur.