La digitalisation progressive du monde du travail est désormais une réalité. Les outils numériques, de plus en plus élaborés, contribuent ainsi à transformer durablement et significativement la vie des travailleurs et des entrepreneurs, notamment sur le plan organisationnel. Pour atteindre des objectifs de développement durable, et afin de renforcer le bien-être et l’inclusion des travailleurs, certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal souhaitent désormais pratiquer le paiement numérique. Une initiative qui intervient dans un contexte épidémique mondial.

La transition numérique de l’Afrique en question

La transformation numérique ou digitalisation à laquelle les pays sont confrontés depuis plusieurs années touche aussi bien la sphère privée que publique. Les entreprises, en première ligne, sont contraintes de revoir leur modèle organisationnel interne en tenant compte au maximum d’un certain nombre d’outils nouveaux. Aujourd’hui, le recours aux nouvelles technologies est devenu une nécessité incontournable pour les structures qui souhaitent favoriser leur business et pérenniser leur activité sur le temps long. Toutes les entreprises quels que soient leur taille et leurs secteurs d’activité sont concernées par le phénomène.

Sur le continent africain, la transformation numérique fait l’objet d’un véritable défi. L’agenda 2063, organisé par l’Union Africaine (UA) et qui vise à faire de l’Afrique un continent d’avenir s’est donné pour mission de tirer parti de la transformation digitale du continent pour créer des emplois à grande échelle. Plusieurs axes ont été développés en sens, comme la volonté de produire une réglementation capable de soutenir et d’encadrer les formes d’emploi émergentes. Bien évidemment, des questions centrales comme l’inclusivité figurent en bonne place dans le programme : il s’agit non seulement de mettre en œuvre des solutions digitales favorisant l’inclusion financière, mais également de permettre aux femmes de devenir de véritables « piliers du développement numérique ».

Le e-paiement comme moteur de l’économie sénégalaise : La digitalisation en marche

C’est un fait désormais acquis que l’épidémie de Covid-19 a fragilisé un certain nombre d’économies émergentes, à commencer par le Sénégal. Le pays, qui connaissait alors des perspectives économiques particulièrement encourageantes avec des taux de croissance avoisinant les 5 à 6%, a été contraint de revoir ses ambitions en 2020, avec une croissance de seulement 1,5%. La Banque mondiale estime ainsi que près de 40% de la population sénégalaise vit sous le seuil de pauvreté à l’heure actuelle. Pour enrayer la propagation de l’épidémie, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a récemment plaidé pour l’adoption d’une nouvelle méthode de paiement des salaires : le paiement numérique ou e-paiement.

La digitalisation des fiches de paie au Sénégal
La digitalisation des fiches de paie au Sénégal

Cette prise de conscience sur les atouts du numérique n’est pourtant pas le seul fait de l’existence de l’épidémie : en effet depuis plusieurs années, les employeurs (notamment ceux des grandes entreprises sénégalaises) réfléchissent à de nouveaux moyens de traiter les paiements des travailleurs, pour lutter plus efficacement contre les dangers du paiement en espèces avec les risques encourus (manque de traçabilité, risques de fraudes et délais de paiement). En 2018, une étude estimait ainsi que moins de 20% des salariés étaient payés de manière électronique au Sénégal, soit seulement 7% pour les PME sénégalaises de moins de 20 salariés. Aujourd’hui, même si les entreprises tentent de mixer plusieurs solutions de paiement, le paiement en espèces des travailleurs demeure majoritaire dans le pays.

Un sentiment de plus grande sécurité et un accès simplifié aux services bancaires

Un rapport publié par la Banque mondiale, l’Alliance Better Than Cash et l’ANSD confirme ainsi l’intérêt du paiement numérique, sur plusieurs niveaux. Tout d’abord, cette politique de traitement des paiements dans le secteur privé pourrait permettre d’économiser plusieurs millions de dollars par an – de quoi injecter en retour dans l’économie sénégalaise. Le rapport estime ainsi que la numérisation de 50% des paiements des travailleurs pourrait aider le secteur privé à économiser jusqu’à 45 milliards de FCFA (soit l’équivalent de 82,4 millions de dollars USD).

Ensuite, il convient de prendre en considération le sentiment de plus grande sécurité vécu par les travailleurs sénégalais. La plupart d’entre eux reconnaissent ainsi l’avantage « de ne plus avoir besoin de transporter du cash sur eux ». 57% des personnes interrogées constatent également que l’accès aux services bancaires est devenu plus simple, grâce bien évidemment à la digitalisation de leurs salaires. Au final, cette nouvelle approche devrait permettre de créer des ponts entre le monde des travailleurs formels et informels. La première catégorie a l’habitude de fonctionner avec des contrats et des feuilles de paie, quand les autres ne disposent bien souvent d’aucune forme de protection sociale. L’étude démontre ainsi que près de 96,4% des actifs sénégalais occupent actuellement un emploi informel.

Pour résumer : la digitalisation des salaires pourrait permettre aux travailleurs précaires de bénéficier d’une offre de couverture maladie complète. Il faudrait, pour cela, que chacun d’entre-eux dispose idéalement d’un compte de type Mobile Money. Cette méthode de paiement par téléphonie mobile est de plus en plus répandue au Sénégal et intéresse grandement les entreprises. Elle apparaît de fait comme une véritable alternative aux services bancaires traditionnels – rappelons que seulement 1 sénégalais sur 5 dispose actuellement d’un compte bancaire.